Quels changements pour les contrats à distance et ventes par Internet au Luxembourg? Directive 2011/83/UE et projet de loi n°6478

Pour les professionnels de la vente sur Internet, les questions du contenu des conditions générales de vente et de la mise en œuvre pratique de la vente sur leur site sont primordiales. Le professionnel ne doit pas seulement avoir des conditions générales de vente adaptées au type de commerce en ligne envisagé, mais il doit également mettre en place une procédure de conclusion et de validation de la vente et du contrat conforme aux exigences légales. Une fois que le site de vente est en ligne, il appartiendra au professionnel de rester vigilant aux évolutions législatives qui affecteront les conditions générales de vente en vigueur.

La directive relative aux droits des consommateurs du 25 octobre 20111 (ci-après « la Directive ») vient d’apporter son lot de nouveautés en la matière, et engendrera nécessairement des modifications et adaptations des conditions générales des professionnels de la vente sur Internet.

Un des buts affichés de la Directive est de garantir une « harmonisation complète de l’information des consommateurs et du droit de rétractation dans les contrats à distance » ce qui devra avoir un effet bénéfique sur les ventes à distance transfrontalières sur Internet, dont le potentiel de développement demeure élevé par rapport aux ventes à distance nationales2.

Au Luxembourg, le projet de loi est sur les rails et la nouvelle loi sera votée prochainement. Le professionnel veillera donc à se renseigner sur le texte définitif au moment de l’entrée en vigueur de la loi en question, comme il se peut que la loi luxembourgeoise diffère sur certains points de la Directive.

Quels sont donc les principaux changements relatifs à la vente à distance conclue par voie de contrat électronique ?

1. Les obligations d’information

En ce qui concerne les contrats à distance les obligations d’information précontractuelles ont été renforcées. Nous ne présenterons pas une liste exhaustive de toutes les informations qui doivent être fournies au consommateur, mais nous nous limiterons à donner les indications particulièrement importantes pour les contrats de vente sur Internet. Certaines de ces informations obligatoires sont normalement regroupées dans les conditions générales de vente, lesquelles devront être mises à disposition du consommateur conformément aux exigences légales.

Une des principales innovations de la Directive – à part celle ayant trait au délai de rétractation uniformisé dont il sera question ci-dessous – est l’obligation du professionnel qui vend des produits ou services sur Internet de s’assurer que le consommateur reconnaisse que sa commande impliquera l’obligation de payer.

Le déroulement pratique de la vente sur le site Internet devra donc éventuellement être modifié. Ainsi, selon les termes de la Directive, « si pour passer une commande, il faut activer un bouton ou une fonction similaire, le bouton ou la fonction similaire porte uniquement la mention facilement lisible « commande avec obligation de paiement ou une formule analogue, dénuée d’ambiguïté, indiquant que passer la commande oblige à payer le professionnel.3 »

Les sites de commerce en ligne doivent également indiquer « clairement et lisiblement, au plus tard lors du début du processus de commande, si des restrictions de livraison s’appliquent et quels moyens de paiements sont acceptés4».

Concernant plus particulièrement la vente de contenu numérique, c’est-à-dire la vente de programmes informatiques, d’applications, de jeux, de musique, de vidéos ou de textes, que l’accès à ces données ait lieu au moyen du téléchargement ou du streaming, depuis un support matériel ou par tout autre moyen, le professionnel doit encore indiquer :

– « les fonctionnalités du contenu numérique, y compris les mesures de protections applicables », ainsi que

– « s’il y a lieu, toute interopérabilité pertinente du contenu numérique avec certains matériels ou logiciels dont le professionnel a ou devrait raisonnablement avoir connaissance5».

Toutes les informations obligatoires, dont les informations qui viennent d’être exposées, doivent être fournies ou mises à disposition du consommateur sous une forme adaptée à la technique de communication à distance utilisée dans un langage clair et compréhensible, ou de façon lisible sur un support durable6.

A côté de ces premières obligations d’information, la Directive apporte un certain nombre de changements en ce qui concerne le délai de rétractation.

2. Délai de rétractation

Le délai de rétractation, c’est-à-dire le délai pendant lequel le consommateur peut revenir sur sa décision d’achat et éteindre l’obligation des parties d’exécuter le contrat à distance, sera augmenté et passera de 7 jours ouvrables à 14 jours de calendrier7.

En cas de rétractation, le professionnel devra rembourser tous les paiements reçus de la part du consommateur, sans retard excessif et dans les 14 jours à partir à partir de la réception de la décision de rétractation8. Ce délai peut cependant être différé jusqu’à la réception des biens en cas de contrat de vente à distance9.

Rappelons encore que selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne les frais d’envoi sont en cas d’exercice du droit de rétractation toujours à charge du vendeur, alors que le frais de renvoi sont à supporter par le consommateur qui se rétracte10. La nouvelle Directive vient de consacrer ce principe, à condition que le professionnel ait informé le consommateur qu’il devra supporter les coûts directs engendrés par le renvoi. Le surcoût lié à un certain mode de livraison, alors que le professionnel avait offert un mode de livraison standard, reste cependant à charge du consommateur11.

La Directive innove en outre en ce qui concerne la fourniture d’un contenu numérique qui n’est pas fourni sur un support matériel. La directive permet en effet au professionnel de demander au consommateur de donner son accord, lors de la conclusion du contrat et avant le téléchargement du contenu numérique, de perdre son droit de rétractation12. Pour pouvoir profiter cet avantage, le professionnel devra cependant fournir une confirmation du contrat conclu, sur un support durable, après la conclusion du contrat, en y indiquant toutes les informations prévues dans la loi à venir.

Aucun droit de rétractation n’existera en cas de fourniture de logiciels informatiques scellés et qui ont été descellés par le consommateur après livraison13.

Il est à noter qu’à défaut d’information du consommateur de son droit de rétractation conformément aux dispositions légales à venir, le délai de rétractation sera de 12 mois14, d’où l’intérêt de se conformer dès leur entrée en vigueur aux nouvelles exigences en la matière.

3. Le transfert de risque

En ce qui concerne les contrats de vente prévoyant que le professionnel expédie par le biais d’un transporteur de son choix les biens au consommateur, la Directive impose que le risque de perte ou d’endommagement des biens soit seulement transféré au consommateur au moment où ce dernier prend physiquement possession du bien vendu15.

Le professionnel devra donc répondre de toute détérioration ou de perte survenue lors du transport. Il est évident qu’en pareil cas le professionnel pourra se retourner contre le transporteur pour obtenir des dommages et intérêts à hauteur du préjudice subi.

A côté de ces principaux changements, la Directive, ainsi que la future loi luxembourgeoise, imposeront encore d’autres obligations de moindre importance au professionnel. Ces obligations et changements n’ont pas été traités dans le cadre de cette présentation, mais le professionnel veillera à s’y conformer dès l’entrée en vigueur des dispositions législatives en question.

Rappelons enfin qu’une vente, qui se fera en violation d’une ou de plusieurs obligations essentielles dans les contrats conclus à distance – tels que les contrats de vente sur Internet – pourra être déclarée nulle à la demande du consommateur, d’où l’intérêt d’avoir des conditions générales de vente en adéquation avec les exigences légales.

Auteur: Pierre Goerens, Partner chez Etude d’Avocats JEITZ & GOERENS


1 Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil

2 Considérant (5) de la Directive 2011/83/UE

3 Article 8, § 2 alinéa 2 de la Directive 2011/83/UE

4 Article 8, § 3 de la Directive 2011/83/UE

5 Article 6, § 1 points r) et s) de la Directive 2011/83/UE

6 Article 8, § 1 de la Directive 2011/83/UE

7 Article 9, § 1 de la Directive 2011/83/UE

8 Article 13, § 1 de la Directive 2011/83/UE

9 Article 9, § 3 de la Directive 2011/83/UE

10 Cour de justice de l’Union européenne, arrêt du 15.4.2010 dans l’affaire C-511/08

11 Article 13, § 2 de la Directive 2011/83/UE

12 Articles 14, § 4, a), ii) et 8 § 7 de la Directive 2011/83/UE

13 Article 16, i) de la Directive 2011/83/UE

14 Article 10, § 1 de la Directive 2011/83/UE

15 Article 20 de la Directive 2011/83/UE

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  1. A noter que le projet de loi en question a été adopté par la Chambre des Députés lors de sa séance publique du 11 mars 2014, de sorte que la nouvelle loi sera promulguée et entrera en vigueur prochainement.

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