Les « start-ups » au Luxembourg – quelle forme sociale adopter ?


Résumé :

  • A défaut de recourir à une structure sociétaire, l’entrepreneur expose l’intégralité de son patrimoine privé aux risques de son activité professionnelle.

  • La forme sociale la mieux adaptée aux besoins d’une start-up luxembourgeoise est la société à responsabilité limitée (« S.à r.l. »).

  • La S.à r.l. est une structure légère et flexible permettant la limitation des risques aux apports alloués au capital social.

  • La S.à r.l. simplifiée prévue au programme gouvernemental sera une forme particulièrement adaptée aux start-ups.

I. Start-up – caractéristiques et besoins :

Qu’est-ce qu’une start-up ? La réponse à cette question n’est pas aisée, étant donné qu’aucune définition unanime et précise n’existe et que le terme n’a pas trouvé de consécration juridique au Luxembourg.

Tentons de proposer une définition : Une start-up est une entreprise nouvellement créée, construite autour d’une idée innovante, généralement sans actifs corporels qui dispose de ressources financières initiales limitées et nécessite par conséquent un financement à court terme.

Chaque entreprise est sujette à différents risques (risque d’impayé, risque d’échec commercial, risque d’action en responsabilité…) et ce constat est d’autant plus vrai pour des entreprises nouvelles. Partant de ce constat, il est recommandé à chaque entrepreneur de start-up de créer une séparation entre son patrimoine professionnel et son patrimoine privé.

La constitution d’une société permettra en pratique d’opérer cette séparation. Différentes formes de sociétés étant disponibles, il conviendra de choisir une forme adaptée à ses besoins.

Avant d’étudier les différentes formes de sociétés disponibles au Luxembourg, nous aborderons sommairement la situation d’un ou de plusieurs entrepreneurs exerçant en nom propre.

II. Situation d’un ou de plusieurs entrepreneurs exerçant en nom propre – qualifications et dangers :

A) L’entreprise individuelle

L’entreprise individuelle se crée par le fait d’exercer une activité commerciale en nom propre.

Elle ne connaît pas d’associés et ne possède pas de personnalité juridique, n’a pas de capital propre et ses bénéfices sont directement imposables entre les mains de l’entrepreneur. Elle ne constitue pas, à proprement parler, une forme de société, avec la conséquence que l’entrepreneur expose l’intégralité de son patrimoine privé aux risques de son activité.[1]

B) Les sociétés de fait

La société de fait est la qualification jurisprudentielle qui est donnée aux situations dans lesquelles plusieurs entrepreneurs se comportent comme des associés alors qu’ils n’ont jamais eu l’intention de constituer une société. [2]

Les associés d’une société de fait engagent leur responsabilité de manière solidaire et illimitée à l’égard des tiers pour tous les engagements de la société, leur patrimoine personnel est donc exposé aux risques de l’activité.[3]

L’exercice d’une activité en nom propre présente donc l’avantage d’une absence totale de formalisme. Cet avantage peut néanmoins sembler bien limité au regard des risques personnels encourus par chaque entrepreneur.

III. Les formes sociales disponibles

La loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales telle que modifiée (la «Loi ») prévoit différentes formes de sociétés commerciales.[4] Notre étude se limitera aux formes sociales offrant une responsabilité limitée à tous leurs actionnaires ainsi qu’un mode de fonctionnement et un degré de flexibilité susceptible de convenir aux besoins d’une start-up.

La société anonyme (la « S.A. ») et la société à responsabilité limitée (la « S.à r.l. ») offrent toutes deux ces caractéristiques.

A) La société anonyme

Une S.A. peut être constituée avec un capital social de EUR 30.986,69, intégralement souscrit et libéré du quart au moins à la constitution de la société.[5]

La S.A. présente un avantage par rapport à la S.à r.l. dans la recherche de capitaux puisqu’elle permet l’émission de titres (de capital ou de créance) à l’attention du public.

En revanche, une S.A. (i) doit être administrée par un conseil d’administration -composé de trois administrateurs au moins si la société comporte plus d’un actionnaire[6] ; (ii) la société doit obligatoirement nommer un commissaire ;[7] et (iii) tout apport en nature au capital de la société (par exemple du matériel ou une créance fournisseur) doit en principe faire l’objet d’un rapport établi par un réviseur d’entreprises agréé.[8]

Cela entraîne bien évidemment des lourdeurs administratives ainsi que des frais de fonctionnement qu’une start-up cherchera à éviter. La S.à r.l. se caractérise au contraire par sa simplicité de fonctionnement et apparaît donc comme une option de prédilection pour toute start-up.

B) La société à responsabilité limitée, un option de prédilection

La S.à r.l. est la forme de société la plus utilisée au Luxembourg : sur les 9470 entreprises constituées depuis début 2013, 5860 sont des S.à r.l..[9]

1. Modalités de constitution, frais et délais

La constitution d’une S.à r.l. se fait obligatoirement par devant notaire et elle pourra être constituée dans un délai d’un jour ouvré, pourvu que :

(i) La future S.à r.l. dispose d’un siège social au Grand-Duché de Luxembourg ;

(ii) Un compte bancaire ait été ouvert au préalable ; et

(iii) L’intégralité du capital social minimum (EUR 12.394,68) ait été versée sur ce compte.[10]

Le notaire constatera que le capital social a été entièrement souscrit et libéré pour ensuite arrêter les statuts. Les statuts seront ensuite publiés à l’initiative du notaire au Mémorial C (journal officiel) pour être opposables aux tiers.

Les frais notariés liés à la constitution d’une S.à r.l. seront d’environ EUR 1.200,- (pour une S.à r.l. avec un capital social minimum).

2. Principales caractéristiques

Une S.à r.l. présente les principales caractéristiques suivantes :

  • La responsabilité des associés est limitée à leurs apports au capital social ;[11]
  • La S.à r.l. peut être gérée par un gérant unique (nonobstant le nombre d’associés) ou un conseil de gérance, nommés dans les statuts ou par l’assemblée générale des associés, pour une durée limitée ou illimitée ;
  • Le nombre d’associés est limité à 40 ; [12]
  • La S.à r.l. n’a pas d’obligation de nommer un commissaire si elle compte moins de 25 associés ; [13]
  • Toute modification statutaire requiert un vote à l’assemblée générale réunissant (i) la majorité des votes émis et (ii) la représentation de la majorité du capital social ;
  • Les parts sociales sont librement cessibles entre associés, mais la cession à un tiers est soumise à l’agrément préalable donné en assemblée générale représentant au moins les ¾ du capital social ; [14]
  • Une S.à r.l. ne peut émettre des parts sociales ou des obligations au public ; [15]
  • Les bénéfices de la S.à r.l. sont imposables dans le chef de la société et non entre les mains de ses associés ; et
  • La S.à r.l. est redevable de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités (correspondant à un taux global effectif de 29,22 % pour une S.à r.l. établie dans la ville de Luxembourg).[16][17]

Au vu de ses caractéristiques, la S.à r.l. demeure à l’heure actuelle la forme de société la plus adaptée aux besoins des start-up.

Malgré ces atouts, la constitution d’une S.à r.l. nécessite un investissement initial considérable (EUR 12.394,68) et l’intervention d’un notaire. Ces barrières pourraient tomber dans un futur proche, car le Luxembourg cherche à faciliter la création d’entreprises pour dynamiser l’économie et promouvoir l’entrepreneuriat.

IV. La société à responsabilité limitée simplifiée, une option disponible dans un futur proche ?

La Chambre de commerce, sous la direction générale de Pierre Gramegna, a proposé en janvier 2011 de créer un nouveau type de société à responsabilité limitée simplifiée qui aurait les caractéristiques suivantes :

  • Une constitution dans un délai de 24 heures par acte sous seing-privé (sans intervention d’un notaire) par inscription au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg et sans ouverture préalable de compte bancaire ;
  • Un capital social symbolique de 1,- EUR devant atteindre EUR 12.500,- dans un délai de 5 ans avec une capitalisation obligatoire de 25% des bénéfices jusqu’à la libération totale du capital social ;
  • Une responsabilité solidaire des associés à hauteur de EUR 12.394,68 maximum en cas de non-libération du capital social ; et
  • Des statuts-type simplifiés et imposés par voie législative.

Cette proposition étant désormais reprise au programme gouvernemental, il est probable que cette nouvelle forme de société sera prochainement disponible.[18]


[1] http://www.guichet.public.lu/entreprises/fr/creation-developpement/forme-juridique/entreprise-individuelle_societe-personnes/entreprise-individuelle/index.html

[2] A. Steichen, « Précis de Droit des Sociétés », éditions Saint Paul, éd. 2011, pp. 573.

[3] I. Corbisier, « Droit des Sociétés, Tableau comparatif des droits luxembourgeois, belges et français », éditions Bruylant, éd. 2000, pp.139.

[4] Article 2 de la Loi

[5] Article 26 de la Loi

[6] Article 51 de la Loi

[7] Article 61 de la Loi

[8] Article 26-1 (2) de la Loi

[9] Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg, statistiques de dépôt 2013.

[10] Les 12.394,68 EUR apportés au capital social resteront cependant à la disposition de la S.à r.l. et pourront être utilisés pour les besoins de la vie de la société.

[11] Art. 179 (1) de la Loi

[12] Art. 181 de la Loi

[13] Art. 200 de la Loi

[14] Art. 189 de la Loi

[15] Art. 188 de la Loi

[16] http://www.cdm.lu/entreprise/conseils-aux-entreprises/fiscalite/impots-directs

[17] Le taux de l’impôt commercial communal varie d’une commune à l’autre.

[18] Le programme gouvernemental luxembourgeois de 2013, page 54, affirme que « le Gouvernement proposera un nouveau statut de société à responsabilité limitée simplifiée qui permettra de démarrer une entreprise avec un capital de départ d’un euro ».

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